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Impacts au pluriel, et non au singulier climatique

Dans sa conclusion des travaux du Conseil de planification écologique le 26 septembre dernier, Le Président Macron l’a bien exprimé : les enjeux environnementaux auxquels nous sommes confrontés ne se limitent pas à l’effet de serre, ils relèvent aussi de l’atteinte à la biodiversité et de l’épuisement des ressources.

De fait, toute mesure de l’impact environnemental d’un produit ou d’un service se doit d’être multicritère, de même que toute démarche de réduction d’impact et d’éco-conception. L’ADEME, l’Agence de la Transition Ecologique, prône cette approche avec constance depuis des décennies. C’est aussi dans cette perspective que travaillent les praticiens de l’ACV (Analyse de Cycle de Vie), puisque par définition, l’ACV évalue les impacts sur l’ensemble du cycle de vie et de façon multicritère.

C’est pourtant une approche encore peu connue du grand public, et même des acteurs du monde économique, qui tendent à focaliser leur action sur le carbone.

Pourtant, un plan d’action écologique limité à la dimension climatique risque bien de manquer sa cible. C’est ce que je voudrais montrer ici.


Le GIEC souligne l’interdépendance du climat et des écosystèmes

S’il est un organisme qui fait autorité en matière de changement climatique, c’est bien le GIEC, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, un réseau international de chercheurs qui analyse et met en regard les publications scientifiques sur ce sujet. Bien que focalisé sur le changement climatique, le GIEC, dans son rapport de février 2022, a jugé nécessaire d’élargir la vision aux autres impacts environnementaux, en montrant que les éco-systèmes seront d’autant plus aptes à s’adapter au changement climatique et à en limiter l’ampleur qu’ils seront par ailleurs moins soumis au stress d’autres impacts. Ainsi par exemple, si une forêt subit des émissions acidifiantes, ses arbres seront moins robustes, moins capables d’absorber du CO2 – moindre atténuation -, et par ailleurs ils risquent de se reproduire moins vite, et donc de gagner moins rapidement des territoires au climat plus propice à leur développement futur – moindre adaptation. C’est ce que montre la figure 1 ci-dessous : les éco-systèmes, de même que la Terre dans sa globalité, doivent être appréhendés dans une vision systémique.

Visuel GIEC

« Ce rapport met fortement l'accent sur les interactions entre les systèmes couplés que sont le climat, les écosystèmes (y compris leur biodiversité) et la société humaine. Ces interactions sont à l'origine des risques émergents liés au changement climatique, à la dégradation des écosystèmes et à la perte de biodiversité, tout en offrant des opportunités pour l'avenir. » IPCC, AR6, WGI, Summary For Policymakers.



Figure 1 : Extrait du rapport du GIEC de Février 2022 - IPCC, AR6, WGI, Summary For Policymakers




Quels sont donc ces autres impacts que nous devons veiller à limiter ?

Il peut être éclairant ici de considérer la « taxonomie verte » de la Commission Européenne, qui vise à orienter les investissements vers les secteurs et les entreprises les plus alignées avec la transition énergétique et écologique. La Commission européenne a chargé un groupe d’experts indépendants de fixer les critères permettant de savoir si la performance environnementale d’une activité économique donnée est suffisante pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 et le niveau d’ambition fixé à l’horizon 2030.

Six grandes thématiques doivent être évaluées :

· L’atténuation du changement climatique,

· L’adaptation au changement climatique,

· L’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et maritimes,

· La transition vers une économie circulaire,

· La prévention et le contrôle de la pollution,

· La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Pour qu’une activité puisse bénéficier du label “vert” au sens de la taxonomie, elle doit contribuer de manière substantielle à au moins un des six objectifs ci-dessus, sans porter un préjudice significatif aux cinq autres, tout en respectant des garanties minimales en matière de droits humains et de droit du travail. Notons que les experts mandatés par la Commission Européenne ont forgé ici un nouveau concept, le « DNSH », ou « Do No Significant Harm ». Nous retrouvons donc l’approche multicritère, et identifions également une piste pour gérer la complexité inhérente à une telle approche.


L’approche par les Limites planétaires

Ces travaux s’appuient notamment sur les publications d’un groupe international de 26 scientifiques écologues, qui travaillent sur l’équilibre de l’éco-système Terre, en cherchant à identifier sa zone de stabilité. Ces chercheurs, sous la direction de Johan Rockström tout d’abord, puis de Will Steffen, ont identifié des impacts environnementaux susceptibles de mettre en danger l’équilibre de l’éco-système global. Ils ont ensuite défini, pour chacun de ces impacts, une métrique, sur la base de laquelle ils tentent de positionner à la fois la zone de sécurité « Safe Operating Space », et l’état actuel de la planète.

En 2023, ces travaux peuvent être résumés sur le schéma présenté en figure 2 : il montre clairement que le changement climatique n’est pas le seul danger pour la stabilité de la Terre, loin de là.



Figure 2 : Les limites planétaires, Stockholm Resilience Centre


Les indicateurs d’impacts de l’Analyse de Cycle de Vie

Nous le voyons, une approche multicritère est nécessaire pour appréhender la multiplicité des dimensions de l’environnement et des impacts potentiels des activités humaines sur les éco-systèmes.

La méthode d’Analyse de Cycle de Vie est fondée sur cette approche. La figure ci- dessous présente les indicateurs d’impact classiquement suivis en ACV. Ils permettent de couvrir l’ensemble des domaines de la taxonomie verte européenne, et la plupart des axes des limites planétaires.


Figure 3 : Les catégories d’impact environnemental évaluées par l’Analyse de Cycle de Vie, Gingko 21 d’après CE EF3.0


Les 16 catégories d’impact retenues par la Commission Européenne dans le cadre du programme d’affichage environnemental, ou PEF (Product Environmental Footprint), sont assorties de 16 indicateurs, qui permettent le calcul du bilan environnemental.


Un indicateur unique ?

Une telle approche est par définition porteuse d’une certaine complexité, cela ne facilite pas son adoption. Les acteurs économiques en particulier souhaiteraient pouvoir suivre leurs impacts potentiels sur l’environnement via un seul indicateur, qu’ils pourraient arbitrer avec des données économiques.

La Commission Européenne a proposé un indicateur agrégé, qui rassemble les 16 catégories d’impact présentées ci-dessus, en les pondérant en fonction de leur gravité, et également de la robustesse des indicateurs associés.

Sala S., Cerutti A.K., Pant R., Development of a weighting approach for the Environmental Footprint, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2018, ISBN 978-92-79- 68042-7, EUR 28562, doi 10.2760/945290

Si un tel indicateur est bien sûr utile pour communiquer et porter des messages plus lisibles, restons tout de même conscients sur le fait que c’est une simplification d’une réalité qui demeure complexe.

L’indicateur agrégé, en sommant tous les impacts, donne l’impression que l’on pourrait compenser des émissions trop élevées sur un impact par d’autres moindres sur un autre impact. C’est trompeur. En effet, la nature, la vie, fonctionnent avec des seuils : telle espèce se développe avec un pH compris entre telle et telle valeur, la température doit être comprise entre une valeur minimale et une valeur maximale, etc. Et s’il y a des zones de compensation possible, cela reste limité. Ce n’est pas parce que la température reste proche de la température idéale pour une espèce que cette espèce va résister à une acidification du milieu au-delà de sa limite maximale.


L’analyse et la prise de décision doivent donc rester multi-critère.


Une première méthode de gestion de cette complexité est identifiée plus haut dans la section relative à la taxonomie européenne, d’autres méthodes seront présentées dans un futur post sur ce blog…



Envie d’en savoir plus sur ces impacts environnementaux, leurs mécanismes, leurs conséquences sur l’environnement et les personnes, leur dynamique à l’échelle européenne ou mondiale ?



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Ou bien venez vous former, il reste des places sur les prochaines sessions 2023.


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