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Eco-conception : un continuum de pratiques

  • heleneteulon
  • 3 juin
  • 5 min de lecture

De l’optimisation de l’existant jusqu’à l’innovation radicale

En 2025, l’éco-conception n’est plus une option : c’est un impératif. Cette démarche globale, centrée sur le produit, concerne tous les collaborateurs de l’entreprise : marketing, R&D, design, RSE, mais aussi méthodes, achats, logistique... Comme pour la qualité dans les années 1980, les exigences d’éco-conception de déploient dans le tissu industriel en remontant les chaînes de valeur, via les services achats. Ce sont en premier lieu des objectifs de décarbonation que reçoivent les fournisseurs, mais aussi des attentes sur l’eau, les déchets, les ressources, la biodiversité – en bref, tous les sujets ciblés par le nouveau Règlement sur l’Eco-conception pour des Produits Durables (REPD ou ESPR en anglais Ecodesign for Sustainable Products Regulation).


Ce Règlement 2024/1781 – qui remplace la Directive éco-conception 2009/125/CE - vise à « faire des produits durables la norme en Union Européenne ». Le législateur incite les industriels à mettre sur le marché des produits durables et circulaires, qui puissent être réutilisés aussi longtemps que possible avant de devenir des déchets,. Il propose des critères favorisant la réparabilité, la recyclabilité et le contenu recyclé. Le premier plan d’action pour 2025-30 prévoit une déclinaison dans les secteurs du textile/habillement, des pneumatiques (2027), du mobilier (2028), et des matelas (2029), ainsi que sur les matériaux Fer et acier (2026) et Aluminium (2027), et un travail sur la « réparabilité (y compris la notation) », qui pourrait concerner des produits tels que l’électronique grand public et les petits appareils ménagers (2027), et le « contenu recyclé et recyclabilité des équipements électriques et électroniques » (2029).


Dans ce contexte, l’objectif de l’entreprise est de réduire l’impact environnemental des produits et services, sans nécessairement préciser de seuil – voir à ce sujet le post Eco-conçu / pas éco-conçu, où est la limite ?


Pour cela, différentes options s’offrent aux entreprises, depuis l’optimisation des produits actuels, que l’on va modifier de façon incrémentale, jusqu’à l’innovation radicale – repenser l'architecture du produit ou de la solution, intégrer de nouvelles solutions technologiques, jusqu'à initier un changement de modèle économique. Détaillons un peu.


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Eco-concevoir par optimisation de l’existant

C’est bien évidemment la voie la plus immédiate. En quoi consiste donc cette optimisation ? Le produit (ou service) va globalement rester identique à la version précédente, les variations concernant les matériaux, les dimensions, ou de petites modifications que le client ne repèrera pas au premier regard.


Quelques exemples parmi les multiples options possibles :

·      remplacer une matière vierge par une matière recyclée. Cela conduit directement à réduire la pression sur les ressources, à limiter la consommation d’énergie et les émissions de CO2. Par exemple, les fabricants de pots horticoles en plastique peuvent remplacer le polypropylène vierge qui les constitue par du polypropylène recyclé ;

·      anticiper les traitements en fin de vie : faciliter le démontage, limiter l’utilisation d’un grand nombre de matériaux différents, en particulier de plastiques de différentes familles, mettre en place des circuits de collecte et valorisation. Par exemple, dans l’habitacle d’une automobile, le nombre de plastiques différents a chuté au cours des vingt dernières années, pour faciliter et rendre économiquement viable le recyclage de ces plastiques ;

·      alléger, réduire la taille des produits : réduire les quantités de matières mises en jeu – sans modifier les procédés – conduit automatiquement à améliorer tous les indicateurs environnementaux – CO2, énergie, ressources, pollutions sur l’air, l’eau, les sols… Le secteur de l’emballage a largement pratiqué cette démarche, en réduisant les épaisseurs des bouteilles en plastique par exemple, ou la taille des boîtes en carton.


Notons que des optimisations de ces deux derniers types peuvent se traduire par des économies financières : moins de matière, moins de déchets, une logistique optimisée…


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Eco-innover

Cette voie nécessite une culture et une démarche d'exploration et d'innovation sur une échelle de temps plus longue. Mais les résultats sont généralement à la hauteur des efforts consentis. Là où l’optimisation permet de se mettre en conformité avec les réglementations, l’éco-innovation permet de se démarquer de la concurrence, de conquérir de nouveaux clients, voire d’augmenter les marges – c’est ce que montre l’étude ADEME de 2023 sur les bénéfices de l’éco-conception.


Les exemples sont là aussi très variés :

·      modifier la forme et la présentation du produit. Ici, contrairement au cas précédent, la modification est clairement perceptible. C’est notamment ce qu’a fait Decathlon en proposant une tente sans armature : les campeurs utilisent leurs bâtons de marche ou des bâtons trouvés sur place pour maintenir la toile de tente. Le gain environnemental est sensible, car le métal représente une part très significative du bilan environnemental d’une tente classique. Les randonneurs sont par ailleurs contents d’alléger ainsi leur sac à dos ;

·      introduire une innovation technologique permettant de réduire l’impact environnemental. Par exemple, Schneider Electric a réussi à remplacer l’hexafluorure de soufre (SF6) employé comme gaz isolant dans les appareils de commutation par… de l’air ! Le gain environnemental est très important car le SF6 contribue fortement au changement climatique (23 500  fois plus que le CO2) ;

·      changer le modèle d’affaires pour ajuster au plus près les ressources mobilisées au service rendu au client. L’entreprise Signify apostrophe ainsi ses clients potentiels : « Pourquoi acheter des ampoules si vous pouvez acheter de la lumière ? ». Prenant à sa charge les investissements, Signify assure le remplacement et l’optimisation des luminaires. Les nouveaux équipements (LED) durent en moyenne 75% plus longtemps, et conduisent à une économie d’énergie très significative : jusqu’à 50% à l’aéroport d’Amsterdam, avec une qualité d’éclairage améliorée.



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Comment mettre en œuvre l’éco-conception ?

Il convient dans un premier temps de fixer l’ambition de l’entreprise : souhaitez-vous capitaliser sur les guides d’éco-conception pour modifier votre offre à la marge, ou bien profiter de la démarche pour imaginer une solution radicalement nouvelle ?


Quel que soit votre choix, des outils sont à votre disposition pour soutenir votre démarche. En effet, les initiatives des pionniers en la matière datent déjà de plus de 30 ans : sur trois décennies, des méthodes ont été mises au point et validées. Voilà qui devrait rassurer les entreprises qui amorcent ce virage aujourd’hui. Nous présenterons ces méthodes dans un prochain post. Par exemple, chez Gingko 21, nous avons consolidé et ordonné l’ensemble des pistes d’éco-conception rencontrées dans notre pratique et dans la littérature pour produire la Roue des éco-solutions, un outil très pratique pour la démarche d’éco-optimisation, comme pour celle d’éco-innovation. Cette « roue » propose toutes les « recettes » déjà mise en œuvre, à imiter pour réduire l’impact de vos propres produits et services.


Retenons enfin un point essentiel : l’entreprise doit se prémunir contre toute critique de greenwashing[1]. Pour cela, l’effort d’éco-conception doit porter a minima sur l’impact le plus important de son produit/service, qui sera identifié grâce à une Analyse de Cycle de Vie, ou ACV – qu’il s’agisse de sa propre étude ACV ou d’une ACV publiée sur un produit équivalent. Au-delà, l’ACV servira également à vérifier que la démarche conduit bel et bien à l’amélioration du bilan environnemental, et à communiquer auprès des parties prenantes. Si faire une ACV ne réduit en rien les impacts du produit – c’est comme prendre une photo de l’impact -, cet outil demeure un support majeur pour l’éco-conception.


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En conclusion

Si l’éco-conception s’impose aujourd’hui comme une démarche quasiment obligatoire, les entreprises ont le choix pour définir leur cible en fonction de leur contexte stratégique, et quelle quoi soit cette cible, les chemins pour l’atteindre sont largement balisés.


[1] communiquer sur une image ou une démarche écologique trompeuse

 
 
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